jeudi 29 mars 2018

Point langue et éducation 1 an et demi après

En lisant un article d’une compatriote expatriée en Allemagne (die Franzoesin), j’ai réussi à mettre un mot sur un phénomène que j’observe depuis que les enfants passent leur journée en suisse-allemand : le cloisonnement.
Ainsi Emmy et Ethan n’arrivent pas bien à nous raconter ce qu’ils font dans la journée car tout s’est déroulé en suisse-allemand et a été enregistré par leur cerveau en suisse-allemand. Ils n’arrivent donc par à exprimer ce qu’ils ont fait en français. Les 2 langues sont encore très cloisssonées pour eux.



De son côté Emmy a besoin en général d’un jour pour digérer les informations et les «retraduire» en français.
Mais les progrès sont vraiment très rapides. Elle n’a maintenant plus de difficultés dans son quotidien avec le suisse-allemand. J’ai assisté à toute une conversation avec la baby-sitter à laquelle je n’ai absolument rien compris... 
Je suis à la fois heureuse de ses progrès et incrédule/dépassée/ par cette nouvelle experience : il y a tout un monde de ma fille (et bientôt de mon fils) auquel je n’ai pas accès... 
Quand Emmy invite une copine, je ne comprends pas tout ce qui qu’elles se racontent. C’est assez perturbant.
En revanche j’ai essayé de proposer une visite guidée d’un château en suisse-allemand à Emmy, une visite conçue pour les enfants. Le vocabulaire sortait du cadre de son quotidien, était très précis et la guide avait un débit rapide. J’ai pu constater qu’Emmy avait encore des progrès à faire pour suivre ce genre de discours. Elle a donc encore une marge de progression :-).


Ethan lui me fait beaucoup rire quand je lui demande ce qu’il a mangé à la crèche : toutes les réponses viennent en suisse-allemand, tel qu’on lui a présenté les plats. J’ai mangé du "Fisch", de la "Suppe" et du "Käse".  
Parfois après une journée entière à la crèche il a du mal à «rebasculer» en français dans la voiture et il cherche ses mots, s’exprime dans un jargon «franco-suisso-alémanique».

Jusqu'à très récemment (ce week-end), nous ne savions pas si il s'exprimait en suisse-allemand, si il faisait des phrases complètes pour parler. Et puis après une après-midi passée avec un copain suisse nous avons eu la confirmation qu'il savait déjà très bien se débrouiller. Quel sentiment bizarre de constater par hasard que son enfant a acquis une autre langue et découvre un univers qui nous est inconnu...



Par ailleurs on remarque chez les deux un début de « perte » du français : parfois un mot tout simple échappe complètement à Emmy («je les fais de quelle couleur les "lippen" maman?»). 
Surtout ils mélangent tous les deux les structures de phrase (je ne parle pas de «grammaire» car le suisse-allemand n’en a pas vraiment...). Ainsi ils inversent souvent l’adjectif et le nom «tu as vu maman l’arbre grand», «oh la mouche petite»...


Le suisse-allemand étant la langue de l’école, il va de pair pour nos enfants avec la transmission d’une certaine «culture de l’éducation» et je me rends compte du coup à quel point nous sommes «formatés» par l’éducation que nous avons reçu à l’école. 
Ici l’autonomie des enfants est au centre de tout. Cela implique qu’il y a un cadre, posé et clair, mais que les élèves sont très libres à l’intérieur, beaucoup plus qu’en France. Et pour une maman, prof de surcroît (donc qui était des deux côtés), c’est très déstabilisant.
Ici Emmy va à l’école publique, je donne des cours de français à des groupes d’élèves suisses et je discute en Sprachtandem (partenaire de langue pour améliorer mon allemand) avec une prof du secondaire suisse. Je commence donc à avoir une bonne vision de l’éducation suisse dans les écoles.
En primaire le fonctionnement se fait beaucoup en ateliers autonomes : les enfants peuvent se déplacer dans la salle de classe librement et le silence n’est pas imposé... Autant dire que c’est dur de passer d’une classe française à une classe suisse. 
Durant mes cours (1h30), les élèves ont clairement beaucoup de mal à tenir sur leur chaise. Je cherche d’ailleurs de plus en plus des idées pour les faire parfois travailler en bougeant.

Tout cela fait aussi partie des choses qui demandent de l’adaptation. Par mon travail je n’ai jamais vraiment quitté l’école et en tout cas jamais l’Education Nationale. Certes celle-ci a beaucoup de défauts mais il est dur aussi d'accepter que nos enfants grandissent dans un autre cadre car il y a toujours la tentation de la comparaison : quel système éducatif est le mieux? Emmy et Ethan ne sont-ils pas en retard par rapport à leurs copains/cousins français? 


2 commentaires:

  1. Très intéressante ton analyse et à bien y réfléchir pour nous aussi on observe ce cloisonnement !
    Et pour nous aussi c'est à la fois magique et déstabilisant de les vour s'inscrire dans une autre langue une autre culture ! Heureusement que la france et le français sont très présents, ils vivent un peu dans deux mondes !
    Bises

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    1. Oui heureusement, ça m’embeterait qu’ils oublient tout!

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